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Monthly Archive avril 2019

Digitalisation, plateformes, données : l’emploi et le travail en devenir, de nouveaux défis pour le dialogue social ? Act 3

36ème session nationale INTEFP-MODULE 4 – Voyage d’études en Europe (Berlin et Bruxelles du 3 au 8 mars 2019)

Si vous nous avez suivi depuis le début de l’aventure en juillet 2018, la 36ème session nationale de l’INTEFP dont j’ai le plaisir et le privilège de faire partie en qualité d’auditrice, a consolidé ses premiers constats sur le sol français puis aux Etats-Unis (cf articles modules 1 et 3) par un état des lieux et benchmark en Europe, en Allemagne puis en Belgique.

https://baconseilrh.fr/2019/02/01/digitalisation-plateformes-donnees-lemploi-et-le-travail-en-devenir-de-nouveaux-defis-pour-le-dialogue-social-acte-2

https://baconseilrh.fr/2019/01/11/digitalisation-plateformes-donnees-lemploi-et-le-travail-en-devenir-de-nouveaux-defis-pour-le-dialogue-social/

Des apports riches de différents acteurs clefs à Berlin (Ambassade, Ministère du Travail et des Affaires Sociales, Organisations syndicales comme IG Metall et patronales comme le BDA, Star-up Delivery Hero, Université technique de Berlin) puis à Bruxelles (CESE- Comité Economique et Social Européen, Fédération européenne des travailleurs des transports) :

La situation politique, économique et sociale, en bref selon selon l’Ambassade de France :

  • Une baisse récurrente du chômage depuis 2008 (2,37 Millions de chômeurs en 2018, taux de chômage au plus bas de 5%), avec la création d’emplois majoritairement à temps partiel, intérim et CDD, le développement des « mini-jobs » ; une diminution de l’indemnisation  (pour 1 jour cotisé, 50% d’acquisition de droits) avec plafonnement des indemnités à 2 000 euros sur un an ; excédent des caisses d’assurance chômage (17 Mrds) actuellement avec reversement aux allocations de dépendance (pauvreté accrue pour les personnes hors emploi, notamment les moins de 25 ans et les séniors)
  • 3 niveaux de négociation en Allemagne (la loi, la branche puis l’entreprise avec possibilité de négocier si la branche donne une ouverture en ce sens) sur des sujets orientés salaire (existence d’un SMIC depuis 2015 de 9,19 euros au 1er janvier 2019), temps de travail, et compétences plus récemment
  • Une législation du travail assez stable avec un droit de grève encadré (seul un syndicat peut lancer une grève et uniquement lors de la négociation d’un accord en cours, pas pendant la durée de validité de l’accord)
  • Des limites au dialogue social avec des faiblesses structurelles : baisse de la couverture par accord collectif (48% des entreprises non couvertes, notamment les activités de services, start-up, l’économie numérique, le télétravail) ; une évolution récente du dialogue social allemand qui cherche à se réinventer pour prévenir notamment des impacts de la numérisation (emplois menacés, pénurie de main d’œuvre peu qualifiée …)
  • Deux défis majeurs pour l’Allemagne: l’intégration de plusieurs centaines de milliers de réfugiés depuis 2015 et celui de sa démographie qui pose le problème du financement des systèmes sociaux dont celui des retraites au cœur des débats actuellement même si ce point apparait encore comme secondaire du fait d’un taux de chômage faible.

La nouvelle offensive du Ministère fédéral du travail en faveur de la formation continue des salariés travaillant dans des entreprises touchées par la transformation numérique :

En synthèse, les grandes tendances constatées : problème de la protection des données, big data, croissance du numérique en Allemagne avec un potentiel fort d’automatisation (variable en fonction des régions) et donc impact sur l’emploi conséquent, besoin de mieux identifier et évaluer les compétences comportementales pour s’adapter en permanence au changement.

Pas d’obligation légale de maintenir, comme en France, l’adaptabilité des salariés, ni de réflexion avancée par rapport aux impacts du développement de l’Intelligence Artificielle sur l’emploi et le dialogue social. Des travaux sur le « statut » de crowdworker » pour l’encadrer sont en cours, un dialogue s’est instauré avec les partenaires sociaux, associations, entreprises et fédérations pour en parler, des études ont été menées pour collecter des informations sur le sens du travail avec un livre vert, un livre blanc pour repérer les plus grandes transformations dans la société allemande sur le travail dit «décent ».

Une stratégie nationale est à l’étude en matière de formation continue pour plus de cohésion avec et entre les régions (landers), en sus d’un droit individuel type CPF en France pour accompagner notamment les situations professionnelles spécifiques (retour de maternité, séniors …).

A souligner : les travaux du laboratoire 4.0 du Ministère du Travail sur l’Intelligence Artificielle, en mode projet : des échanges et travaux avec les USA, la Chine et la France pour développer une stratégie européenne en tenant compte du positionnement des différents pays : « L’Europe doit être un modèle pour contrer les impacts potentiellement néfastes du développement de l’AI qui doit être une plus-value pour la société, au-delà d’un objectif purement commercial ».

La posture des organisations syndicales sur le « travail décent » et les risques et opportunités liés à la digitalisation de l’économie (Syndicat des sociétés de services, Syndicat de la métallurgie IG Metall):

  •  Nécessité d’une régulation politique et syndicale pour imposer un cadre (qualification, apprentissage, protection sociale …), au niveau national et supra national notamment européen, de renforcer les conventions collectives et le poids des branches professionnelles pour une approche métier par secteur d’activité
  • Besoin de protéger les travailleurs de plateformes (« crowdworkers ») pour infléchir l’augmentation de la pauvreté en définissant leur statut social, de protéger les données et de mieux respecter l’équilibre vie pro- vie perso
  • Des suppressions d’emplois variables en fonction des secteurs d’activité, de nouveaux à venir ou en tension, d’où la nécessité d’identifier les compétences futures par secteur d’activité
  •  Pour capter les travailleurs des plateformes, création par les syndicats de plateformes de communication pour les aider à échanger, mais il faudrait une intervention au national en sus du syndicalisme ; A titre d’exemple, Amazon, par sa position de leader du marché, a un impact fort sur  les conditions de travail, dicte ses règles aux commerçants de plus en plus dépendants pour ne pas perdre de marchés, accumule sa connaissance des clients et de la demande ; une nouvelle loi est en cours de discussion en Allemagne au niveau fédéral pour freiner ce processus d’exploitation, cette plateforme et d’autres refusant le dialogue ; une 1ère grande réunion a toutefois été prévue le 11 avril 2019 avec les opérateurs les plus importants sur le sujet
  • Nécessité de sécuriser les conditions de travails des « vrais » indépendants qui existent depuis longtemps, l’externalisation ne datant pas d’hier mais que les  NTIC ont contribué à développer.

Point de vue d’une start-up, « Delivery Hero » : un fort développement en croissance permanente avec une alternance de statuts pour les 9 000 salariés implantés dans le monde entier (salariés ou freelance, ce dernier statut prenant le pas de plus en plus sur le premier car plus flexible selon l’évolution des contextes économiques et sociaux propres à chaque pays).

Le BDA (Patronat Allemand) : confirme un grand débat dans la société concernant la régulation des relations et des conditions de travail pour les travailleurs des plateformes (indépendants vs salariés) ; Il s’agit d’une niche pour l’instant « dont on ne maitrise pas l’évolution à terme ».

A voir au cas par cas notamment avec l’évolution de la jurisprudence et l’intervention des partenaires sociaux sur le sujet des plateformes et de leur impact.

Les initiatives de la Commission Européenne sur la régulation des plateformes numériques :

 Des travaux sur l’économie collaborative dans différents secteurs sont menés par la Commission avec un prisme large, de manière lucrative ou pas, avec des prestataires privés ou pas :

  • En retour : ne pas essayer de trouver une solution globale au regard des différentes situations, activités ; difficultés à légiférer au niveau européen, compte-tenu des spécificités et divergences de point de vue, alors que certains états membres ou plateformes le demandent pour clarifier les statuts et nouvelles conditions de travail des travailleurs des plateformes en fonction de leur objet ( service ou mise en relation ?) ; la Commission peine à se positionner sur une réglementation européenne et la proximité des élections européennes ne présage pas de prochaines propositions de réglementation sur le sujet
  • Jurisprudence française perçue comme la plus active pour faire avancer les propositions au niveau de la Cour
  • La jurisprudence européenne caractérise « la relation de travail par le fait qu’une personne accomplit, pendant un certain temps, en faveur d’une autre personne et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle perçoit une rémunération » – CJUE (Cour de Justice Européenne)
  • Des directives sont en cours sur des conditions de travail plus transparentes et prévisibles , des recommandations en termes de protection sociale avec une couverture minimale pour les salariés et indépendants.

Les avis et recommandations du CESE en matière d’impact social du développement du numérique et l’apport du socle européen des droits sociaux :

 Le CESE a tenu à souligner les potentialités de l’intelligence artificielle (IA) et de ses applications, et souhaite contribuer à la préparation des transformations sociales qui accompagneront son essor et celui de la robotique.

Il insiste sur la nécessité de les encadrer, sur la base du socle européen des droits sociaux, avec les travailleurs, et non contre eux : l’humain doit garder le contrôle sur la machine « intelligente ». Le CESE :

  • Demande que la Commission européenne promeuve et soutienne la réalisation d’études sur les impacts sectoriels de l’IA et de la robotique car peu de données sont disponibles aujourd’hui,
  •  Soutient l’idée d’un véritable Fonds européen de transition qui contribuerait à la gestion socialement responsable de la transformation numérique,
  • Recommande d’appliquer et de renforcer les principes, engagements et obligations énoncés dans les textes existants sur l’information et la consultation des travailleurs, en particulier lors de l’introduction de nouvelles technologies dont l’IA et la robotique,
  • Souhaite des discussions sur la mise en place d’un socle de protection sociale minimale, pour impulser des dynamiques dans des pays peu avancés sur le sujet,
  • Préconise que les dirigeants, militants, les salariés soient informés, accompagnés, professionnalisés sur les questions du numérique pour s’en saisir et suivre la transformation ; la GPEC reste pertinente comme outil d’évaluation et de négociation pour faire évoluer les compétences ; peu de résultats, d’actions concrètes menées à ce jour.

En conclusion :  Un long chemin encore à parcourir pour sensibiliser sur l’urgente nécessité de prévenir des impacts néfastes de l’évolution des NTIC en termes d’emploi et de dialogue social; une situation à l’échelle de l’Europe qui reste à clarifier, formaliser en trouvant un dénominateur commun pour sécuriser la relation et les conditions de travail des travailleurs des plateformes et des « vrais indépendants ». La France est perçue comme avancée sur les réflexions sur le sujet et est attendue quant à l’évolution de sa jurisprudence pour co-construire un cadre européen en capacité de réguler et de se positionner face à des acteurs économiques puissants moins soucieux de la protection sociale et du maintien d’un niveau acceptable des conditions de travail

RDV le 17 octobre 2019 à Paris pour le colloque de restitution par l’ensemble des auditeurs de la 36ème session nationale de l’INTEFP sur nos constats et premières pistes de réflexion co-construites avec des acteurs de l’Administration, de l’Entreprise et des Représentants des Organisations syndicales de salariés ! Modalités à suivre ….