« Comment développer une culture, des comportements et un management efficace de la sécurité et de la santé en entreprise ? »
Fort d’une expérience de plusieurs années auprès d’entreprises, de tailles et secteurs d’activité très différents, Yves Guigueno, consultant expert SSHT (Santé et Sécurité de l’Homme au Travail) au sein de l’APAVE a animé en mode collaboratif et participatif une matinale factuelle sur le sujet le 6 avril 2017 dans le cadre du groupe SSQVT de l’ANDRH du Rhône, en collaboration avec Elian Blanchon Responsable du domaine SSH pour le groupe APAVE.
Je les remercie d’ailleurs vivement d’avoir répondu présent à ma proposition d’intervention.
L’animation de cette matinale portait sur deux grands sujets, la vision réglementaire en France de la Santé-Sécurité au Travail et l’intégration du facteur humain dans une démarche de Santé-Sécurité au Travail. Sujets mis en corrélation avec le rôle et la posture de la fonction RH sur cette thématique.
Entrée en matière : deux questions de fonds posées aux professionnels RH, HSE, QVT présents :
- Pourquoi les accidents arrivent?
- Quel enjeu, le premier qui vous vient à l’esprit, justifie aujourd’hui de faire de la sécurité?
Une restitution individuelle puis un débriefing collectif ont mis en exergue et confirmé les enjeux de la sécurité suivants:
- 1er enjeu, l’humain : l’entreprise doit tout mettre en œuvre pour préserver son capital humain. On ne sort jamais sans dommages collatéraux d’un accident grave ne serait-ce que la victime, qui souvent conserve des séquelles physiques ou morales, puis l’équipe, qui est impactée moralement par l’accident. Au-delà du devoir moral de ne pas impacter sur la santé de ses collaborateurs (on vient au travail pour gagner sa vie, pas pour la perdre…), lors de la survenue d’un accident grave, l’investissement de professionnalisation sur le collaborateur ainsi que son savoir-faire peut être aussi perdu.
- 2ème enjeu, managérial : premier responsable de la sécurité de son équipe, le manager doit avoir le souci des conditions de travail en toute sécurité pour ses collaborateurs. C’est aussi un signe net et apprécié de reconnaissance, de considération. Une équipe qui travaille en sécurité est aussi une équipe qui travaille bien et qui est donc performante.
- 3ème enjeu, économique : parlons chiffres ! outre les coûts directs facilement identifiables (IJ, remboursement des soins), il y a aussi les coûts indirects (remplacement, impact sur l’organisation, blocage machines, fermeture locaux) que peut générer l’absence de démarche Sécurité ; ces coûts indirects représentent 3 à 5 fois les coûts directs! Qu’on se le dise !
- 4ème enjeu : l’image de la société, sa marque employeur (que dire d’une grande entreprise de l’optique, par ex, si quelqu’un perd la vue ? Quel fabricant de grande marque textile peut conserver une image de qualité si les conditions de travail de ses salariés en sont éloignées ?). Congruence avec les valeurs affichées sont de mise sur le sujet !
- 5ème enjeu réglementaire et juridique: « l’obligation de sécurité de résultat » ; bien souvent les dirigeants, managers n’en parlent pas toujours au quotidien, voire méconnaissent les dispositions légales surtout dans les TPE/PME sans ressource dédiée.
En conclusion, Le chef d’entreprise n’est pas et ne peut pas être responsable de tout à la place de tout le monde; ceci étant dit, il est garant de la sécurité et des conditions de travail de ses collaborateurs; l’oublier, c’est risquer de vivre au quotidien avec de lourdes conséquences (comme un accident grave voire mortel) et perdre en efficience, voire son existence!
Mais de quoi parle-t-on, exactement ? Quelle est, en France, notre vision de la Sécurité ?
- Une approche réglementaire par risque, et qui repose sur 4 grands volets:
- La responsabilité de l’employeur, l’évaluation et la prévention des risques (le document unique, le plan de prévention, ça vous parle ?)
- La formation obligatoire à la sécurité des salariés, les droits d’alerte et de retrait (ou devrait-on plutôt dire « devoir » d’alerte et droit de retrait ?)
- La conformité et le maintien en état de conservation des équipements au travail
- La gestion de la co-activité : la sécurité des prestataires
- Réglementation à l’origine européenne qui a incité la France à légiférer sur la prévention des risques avec l’application de 9 principes généraux, bases de notre architecture réglementaire.
Un mot d’ordre : on ne peut pas être conforme à 100%, l’essentiel est de maîtriser les risques de son activité
La mécanique de l’accident (sur la base du modèle de James Reason)
Les entreprises mettent en œuvre des lignes de défense, ou des “plaques “ qui constituent des barrages à la survenue d’événements indésirables, voire d’accidents.
Ces lignes de défenses peuvent concerner trois grands axes de prévention : une ligne de défense sur les aspects techniques, une seconde sur les aspects organisationnels et une troisième sur le facteur humain.
Ces lignes de défense ne sont pas parfaites et les failles de celle-ci peuvent être représentées par des trous sur les plaques :
La “combinaison diabolique” qui conduit à l’accident survient lorsque les trous dans ces plaques sont alignés et que plus rien n’empêche l’exposition un travailleur à un risque.
L’analyse des causes des accidents évoquées par les personnes présentes à la matinale a mis en évidence le fait que ce sont les facteurs humains qui sont les plus en cause.
L’humain adapte, s’adapte mais commet des erreurs (8 à 10 par heure !) ; la sécurité était au départ centrée sur le Technique via la conception des matériaux, des machines, en essayant de réduire les accidents ; Cela n’a plus suffit, et le focus a été mis ensuite sur la Qualité avec la définition de normes et standards, puis prise en compte des Organisations et du Management.
Aujourd’hui, on intègre le facteur Humain (le «H» du HOT !).
Comment faire au quotidien ? Quelques pistes
- Travaillez d’abord avec le CODIR (qui donne le LA, l’impulse, l’exemple !), en s’appuyant sur l’existant, avec un diagnostic préalable; définir ce que vous voulez-vous voir changer ; identifiez moyens, conditions de réussite et actions à mettre en œuvre pour y parvenir ; évaluez, régulez et communiquez.. façon fontaine de champagne
- Revenez aux fondamentaux et travaillez sur les bases :
- Quand prenez-vous du temps pour parler de Santé-Sécurité, en quel lieu, à quelle fréquence ?
- Quelles sont les règles incontournables en termes de Santé-Sécurité dans votre entreprise ?
- Optez pour une communication visuelle simple et adaptée
- Reconnaissez les bonnes pratiques, valorisez les !
- Faites prendre conscience à vos collaborateurs de leurs missions et rôles en matière de Sécurité, pour eux-mêmes et les autres
- Faites de la Sécurité un objectif au quotidien: imaginez une grenouille plongée dans l’eau bouillante (pure fiction) … à risque immédiat, réaction immédiate : elle saute hors de la casserole; cette même grenouille plongée dans une eau froide, réchauffée progressivement, sera prisonnière de la routine et ne se rendra compte de rien avant de mourir…
Avec le temps, les collaborateurs gagnent en compétences métier mais perdent souvent et n’évoluent plus dans la conscience du risque; l’idée est donc de maintenir ce niveau de conscience dans la durée plus que de multiplier les règles.
- Pratiquez des visites d’observation des comportements (et pas que sur des aspects techniques de sécurité), relatez ce qui fonctionne bien et identifiez 1 ou 2 pistes d’amélioration des comportements en fonction du niveau de perception du risque des personnes observées. Le poids du collectif peut générer parfois des comportements inadéquats et sources d’accidents (comme par ex, le fait de se sentir ridicule, empêcheur de tourner en rond à force de rappeler des consignes de port d’EPI…).
- Associer vos IRP dès le départ sur la mise en œuvre et le déploiement d’une véritable culture et pratique de la sécurité.
La SÉCURITÉ, c’est l’affaire de tous, pour la pérennité de son entreprise, son mieux-être et donc sa performance. La préserver doit être partie intégrante de notre ADN, au-delà des réglementations et normes.
C’est le facteur Humain qui doit être remis au centre de nos préoccupations, comme l’intervention de notre expert l’a démontré.
Extrait de la gazette ANDRH Rhône – Juin 2018